À l’heure où certains s’emploient à crier haro sur l’homéopathie, il me semble important de rapporter l’expérience de 20 ans de pratique homéopathique dans le service de chirurgie pédiatrique du CHU de Grenoble. Une expérience qui montre l’apport d’une coopération apaisée des deux médecines.
Cette démarche a été initiée au CHU de Grenoble au début des années 80, à l’époque où j’exerçais d’abord en tant que chef de clinique assistant de pédiatrie puis attaché en néonatologie. J’ai constaté alors l’importance des évènements survenant pendant la grossesse et de la petite enfance. J’ai apprécié les possibilités offertes par l’homéopathie auprès des enfants hospitalisés dans ces services puis en chirurgie infantile.
Dans le service de chirurgie infantile du CHU de Grenoble, avec le Dr Alibeu, nous avons ont établi un protocole de soins diffusé sur le réseau Intranet de l’hôpital. L’originalité importante était que la prescription pouvait être faite par les puéricultrices qui formées pour cela, ce qui permettait une action immédiate. La prescription était particulièrement intéressante pour les troubles du sommeil. On distinguait l’enfant qui geint, celui qui crie, celui qui a des cauchemars, des sursauts : tous ces comportements correspondaient à des remèdes bien définis. L’observation des aggravations et améliorations permettait également de sélectionner le remède. Lorsque le remède approprié était trouvé, l’effet était quasi immédiat.
Chaque année, il y avait des « Journées de la douleur » où un poster « Le coin de l’homéopathe » était exposé parmi d’autres, préfigurant les rapports qui devraient exister entre médecine classique et homéopathie. Tout cela se passait sous le regard bienveillant du doyen Sarrazin qui souhaitait créer un diplôme universitaire d’homéopathie.
Comme le rapporte le professeur Jean-François Dyon, alors chef de service de chirurgie infantile du CHU de Grenoble : « Le dialogue et une collaboration avec les médecins homéopathes a existé dans le service de Chirurgie Infantile pendant de nombreuses années avec efficacité et sans heurts, pour le traitement et le confort des enfants. Ce fait est donc non seulement possible mais souhaitable. Dans notre expérience, l’homéopathie s’est révélée très efficace dans des indications bien ciblées. La relève a été prise par les puéricultrices formées à donner des remèdes et selon le protocole de soins. Continuons des études sur l’homéopathie ! L’argent produit par le déremboursement pourrait et devrait servir à la recherche en homéopathie à l’hôpital. »
Le docteur Alibeu, ancien anesthésiste-réanimateur de chirurgie infantile puis chef du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU de Grenoble rappelle que « l’homéopathie était utilisée dans le service pour traiter et prévenir en péri-opératoire les douleurs, nausées et vomissements, troubles du transit, peurs, anxiété, agitation, œdème, hématomes. » « Avec le docteur Jobert, nous avons publié dans la revue Pédiatrie en 1990 un article intitulé : Aconit en dilution homéopathique et agitation post-opératoire de l’enfant.
Cet article rendait compte d’une étude contrôlée randomisée en double aveugle contre placébo réalisée dans le service de chirurgie pédiatrique auprès de 50 enfants. Elle a montré que le médicament Aconit en dilution homéopathique (4CH) était efficace sur l’agitation postopératoire de manière très significative (95% de bons résultats avec Aconit contre 30% avec le placébo). Il existe donc, contrairement à ce que prétendent les détracteurs, des études contrôlées convaincantes en faveur de l’efficacité de l’homéopathie. La science est discrète, mais elle est indiscutable. Des hypothèses existent, demandant à être explorées par des chercheurs en neurosciences, la théorie quantique confortant l’efficacité des hautes dilutions. »
Un ensemble de remèdes homéopathiques continue à être utilisé en milieu hospitalier, alliant efficacité et faible coût, avec une absence d’effets indésirables.
Le professeur Piolat, chirurgien pédiatre, chef de service au CHU de Grenoble, exprime quant à lui des regrets : « Dans le service de chirurgie pédiatrique, l’homéopathie ne peut plus être prescrite par les médecins ou administrée par les soignantes en suivant les protocoles qui étaient en vigueur il y a quelques années de cela et qui étaient rentrés dans les mœurs et les usages. Par la suite l’homéopathie a été utilisée selon les prescriptions de l’homéopathe de l’enfant. Il y a encore quelques années il restait des remèdes « vedettes » comme Aconit, Arnica, Nux vomica, Vipera en granules et en applications locales pour les veinites après perfusions. L’homéopathie disparue n’a pas été remplacée dans les indications dans lesquelles elle apportait une plus-value et où elle marchait. Il faudrait lui donner les moyens d’une recherche en milieu hospitalo-universitaire ».
Cette expérience d’une collaboration apaisée entre les deux médecines prenant appui sur la recherche a reçu le soutien d’un membre de l’Académie nationale de pharmacie, Jean Calop professeur émérite à l’Université Grenoble Alpes. « L’homéopathie est un sujet polémique et l’Académie de pharmacie, noble assemblée, s’est prononcée durement pour que l’enseignement ne puisse même pas se faire dans les facultés de pharmacie » explique-t-il. « J’ai été moi-même à l’origine de l’organisation du DU d’homéopathie à la fac de pharmacie de Grenoble en partant du principe que l’enseignement peut être contradictoire et que chacun, au travers de cet enseignement, peut se positionner. L’expérience des homéopathes est importante à rapporter. Les nanotechnologies sont actuellement en pointe et les progrès sur l’infiniment petit sont loin d’être terminés. Nous n’avons pas encore le niveau de preuve pour démontrer la présence de nano molécules au niveau de certains récepteurs mais c’est une réflexion réductrice. Les recherches actuelles sur les médicaments innovants conduisent non plus à des produits chimiques mais bien à comprendre le langage cellulaire à partir de messages biochimiques ; ces médicaments innovants sont tous cette année issus des biotechnologies. Pas un seul sélectionné est d’origine chimique.
Le langage cellulaire est extrêmement complexe mais passionnant : c’est de la nano biologie avec les récepteurs, les activateurs d’enzymes, les inhibiteurs. Le cancer trouvera une solution dans cette direction : chaque cancérologue en est désormais convaincu. L’homéopathie, qui identifie les réponses de l’organisme dans certaines pathologies pour les comprendre, trouve dans cet axe des pistes qui finiront par éclairer et convaincre les plus sceptiques. Son exclusion de l’enseignement en pharmacie ne se justifie ni sur une base clinique ni sur une base scientifique. Il existe des doutes mais pas de certitudes. Laissons la science progresser et écoutons les succès cliniques dont certains patients se font les témoins.
Cette thérapeutique suppose enfin une démarche clinique avec deux variables : 1. la préoccupation de prendre en compte le terrain et donc une bonne connaissance du patient et 2. un diagnostic précis. Cela complique l’évaluation et c’est une démarche qui prend du temps et qu’il serait utile de rappeler.
La conclusion de ces expériences est que l’homéopathie peut être parfaitement intégrée dans le parcours de soin. Elle peut même être la base de recherches innovantes.
Dans le conseil de l’ordre conseil de l’Ordre dont je dépendais (Isère), les relations entre les médecins étaient apaisées depuis des lustres.
Le jour où a été promulgué le déremboursement prévisible de l’homéopathie, j’étais dans un marché de village où justement deux personnes parlaient du traitement homéopathique administré à une brebis. « Le déremboursement n’est pas un problème, nous continuerons à utiliser l’homéopathie même s’il faut fabriquer nous même les remèdes » expliquait l’une d’entre elles. « « Ils » ne tiennent pas compte des 1 200 000 de personnes qui ont signé un pétition en faveur de l’homéopathie. Peut-on encore « leur » faire confiance ? » soulignait l’autre. Une autre voix citait Papagalli, homme de théâtre grenoblois très connu : « Ils ont tellement étudié qu’il n’y a plus de place pour l’intelligence ! »
Le déremboursement de l’homéopathie est un pas vers son interdiction, la chasse aux sorcières a commencé ! En témoigne l’interdiction de se prévaloir du titre d’homéopathe sur les plaques des médecins qui sera bientôt en vigueur.
Les opposants de l’homéopathie, incapables de supporter les gens qui ne pensent pas comme eux auront obtenus satisfaction… Une satisfaction transitoire, car la vérité éclate toujours.
Hospitaliers, chercheurs, intéressez-vous à l’homéopathie !
Signataires :
Dr Jacques Jobert, ancien chef de clinique - assistant, ancien président de l’école d’homéopathie Dauphiné-Savoie
Professeur Jean François Dyon, ancien chef de service de chirurgie pédiatrique au chu de Grenoble
Dr Jean-Pierre Alibeu, ancien anesthésiste-réanimateur chef du CETD du CHU de Grenoble
Professeur Christian Piolat, Chirurgien Pédiatre – Chef de Service, Chef du Pôle Couple Enfant au CHU de Grenoble
À noter :
Un médecin homéopathe est titulaire d’une thèse de médecine obtenue après le cursus habituel des études de médecine. Pour apprendre l’homéopathie, il s’est adressé à une école d’homéopathie gérée par des homéopathes. Cette école respecte un programme défini par le Ministère de la santé.
Au Conseil de l’ordre, il est inscrit comme généraliste avec orientation homéopathique.
Sous le ministère de Madame Georgina Dufoix, un programme d’enseignement de l’homéopathie a été établi, après concertation entre homéopathes et médecins universitaires.
Pour l’homéopathe, l’enseignement, qui dure deux ans, n’est qu’une initiation qui doit être complété par des séminaires, des lectures, des consultations dans des bibliothèques des revues. Il existe une littérature homéopathique importante. En homéopathie, tout doit être écrit, tout est consultable, c’est une règle.
Le médecin homéopathe a appris à interroger, il a été mis en situation pour interroger et examiner, « prendre le cas », établir une observation complète, modèle du genre.
Finalement après une double formation classique et homéopathie, le praticien a le choix entre deux techniques, la médecine classique et l’homéopathie. Dans la plupart des cas, avec l’expérience acquise au cours des ans, l’homéopathie prend de plus en plus d’importance dans sa pratique pour la pathologie courante, les maladies aiguës bénignes, les troubles fonctionnels, la pathologie psychosomatique, les traumatismes sportifs (pour info, l’équipe de foot championne du monde de 1998 était traitée par homéopathie !)
Historiquement, c’est le traitement homéopathique du choléra qui a participé à la diffusion de cette méthode, malgré des oppositions encore plus farouches que de nos jours.
Aujourd’hui, dans la presse les accusations et oppositions les plus dures viennent de ceux qui ne connaissent rien, moins que rien à l’homéopathie. Leur devise : « je déteste l’homéopathie, c’est pour cela que je ne veux rien savoir sur elle. »
Leur refrain « homéopathie=infinitésimal=placebo=charlatan » relève d’une attitude simpliste comme le disait le Dr Annequin.
En fait, ses opposants ne savent pas définir ce qu’est l’homéopathie.
Ils ne savent pas que l’infinitésimal n’est pas indispensable à l’homéopathie. Que l’emploi du placebo a été codifié par le créateur de l’homéopathie dès 1825 !
Il est aussi reproché à l’homéopathie ne pas apporter de preuves statistiques selon les méthodes modernes. Celle- ci ne peuvent faites actuellement que par des équipes comprenant des statisticiens, avec des moyens dont ne peut disposer un médecin qui exerce en dehors d’un CHU.
Aucun comité de lecture n’accepte un article sur l’homéopathie sauf s’il en dit du mal. « Quoi ! Je vois le mot « homéopathie « dans cette proposition d’article ! C’est à en perdre son dentier ! Rien ne doit souiller le temple de la médecine dont nous sommes les gardiens ! »
Par contre, dans les rayons des bibliothèques universitaires, non soumis aux comités de lecture, on peut trouver des thèses d’homéopathie, et en attente de consultation, des articles qui ne sont pas cités par les détracteurs.
Les résultats de homéopathes ne sont publiés que dans leurs propres revues : c’est l’incommunicabilité totale !
En 1835, à des membres de L’Académie de Médecine venus lui demander l’interdiction de l’homéopathie, Guizot répondait : « Hahnemann est un grand savant ; si l’homéopathie est une chimère ou un système sans valeur, elle tombera d’elle-même. Si au contraire elle est un progrès, elle se répandra malgré toutes nos mesures de préservation et l’Académie de médecine doit le souhaiter avant toute autre, elle qui a pour mission faire la science d’encourager la découverte. »
Jacques Jobert, écrit en 2020, pour le Club de Mediapart